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  • : Le blog des moniteurs et des élèves
  • : Un blog pour les moniteurs, mais aussi pour les élèves conducteurs, pour permettre aux premiers d'exercer enfin librement leur métier (leur art!), et offrir aux seconds un enseignement de qualité, à moindre frais, dans une relation de confiance et de liberté.
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8 octobre 2010 5 08 /10 /octobre /2010 15:51

C'est ma seule naturelle mauvaise foi qui m'a fait écrire ce que j'ai écrit ces derniers temps sur la manière dont sont considérées les entreprises qui offrent à la location des véhicules à doubles commandes. Laisser en effet entendre que les auto-écoles, et leurs organisations qu'on qualifie souvent de représentatives (même quand elles ne représentent qu'elles-mêmes ou ceux qui ont eu la bonne idée de les créer), ont tenu la plume des rédacteurs d'un arrêté ministériel pour faire en sorte que l'enseignement de la conduite n'échappe pas à leur emprise et à leur contrôle, c'était évidemment pure calomnie.

 

Pouvant savoir d'où proviennent les visiteurs de ce blog (mais évidemment pas connaître leur identité), pouvant aussi savoir par quels mots-clefs ces visiteurs ont atteint une ou plusieurs pages de ce blog, je peux élargir mes recherches sur tel ou tel sujet traité – et accessoirement vous en faire profiter.

Et c'est ainsi que je suis arrivé sur cette page déjà ancienne du Parisien-Aujourd'hui en France (l'ancien Petit Parisien, devenu il y a plus de 60 ans le Parisien libéré – ça, c'est le côté historique et culturel du blog) qui évoque le vent de panique qui aurait suivi la publication du fameux arrêté ministériel du 7 juillet 2010 dont il a déjà été question ici. L'ADLC (Association de défense des loueurs de véhicules à double commande – dont je n'ai pas les coordonnées exactes) qui revendique une centaine de loueurs adhérents se dit prête à porter cette affaire devant les instances européennes si son action devant le Conseil d'État ne suffit pas.

 

Pour nous, enseignants qui revendiquons le droit d'enseigner librement ce que nous avons appris, les propos repris de Mme Michèle Merli, déléguée interministérielle à la sécurité routière, sont particulièrement savoureux. Elle justifie ce changement des règles du jeu par le souci d’assurer la bonne formation des générations futures d’automobilistes. L’accompagnateur, insiste la déléguée, a souvent son permis depuis de nombreuses années, mais il doit aussi être capable de bien communiquer les règles de conduite et ne pas transmettre ses mauvaises habitudes. Cela nécessite une formation. Voilà qui est incontestable, et ce n'est pas nous qui dirons le contraire. N'avons-nous pas suivi la formation en vue du BEPECASER alors que nous avions notre permis de conduire depuis de nombreuses années, et que nous n'avions pas envie de transmettre nos mauvaises habitudes à nos élèves?

Mais une formation de quelques heures (un journée, semble-t-il), ou une formation de plusieurs mois, peuvent-elles donner le même résultat du point de vue pédagogique. Il serait heureux que Mme la déléguée s'explique sur ce point, car nous avons bien besoin d'être rassurés sur l'utilité des heures passées (et de l'argent dépensé) en centre de formation, constatant qu'un quidam peut faire ce que nous faisons après une journée où on lui aura vite montré et un peu expliqué la manière de faire...

 

Mme la déléguée poursuit que ce changement (dans la réglementation) s'inscrit dans la poursuite de la réforme du permis de conduire. Car 90 % [il y aurait donc 10% des jeunes qui passeraient par d'autres circuits. J'attends qu'on me dise lesquels] des jeunes passent par des auto-écoles, qui sont soumises à des obligations particulières. Il ne faut pas qu’il y ait de concurrence déloyale, ajoute-t-elle.

Obligations particulières? On aimerait bien savoir lesquelles, hors celles qui sont celles de n'importe quelle entreprise industrielle ou commerciale. Car, pour ce qui est de la pédagogie, elles se doivent d'offrir des conditions d'enseignement, et ce ne sont pas auto-écoles qui enseignent mais les enseignants qui y travaillent, et ce n'est pas tout à fait la même chose.

 

C'est la seconde phrase qui est importante, et elle vaut tout de même son pesant de cacahuètes (n'oublions pas que Mme la déléguée est vraisemblablement fonctionnaire de l'État, et a été nommée à ce poste pour remplir ce qui devrait ressembler à une mission de service public, c'est à dire au service du public, du plus grand nombre, des citoyens, et non pour assurer la défense des intérêts d'un catégorie ou promouvoir une idéologie "concurrentionnelle" ou "entrepreneuriale" quelconque) .

L'important n'est donc pas dans la qualité de la formation (dont tout le monde connaît la haute valeur), mais dans celui qui pourra facturer cette formation. Il est bien évident qu'il y a tout à craindre de celui qui loue 20 euros un voiture à doubles commandes où un jeune apprenti s'entraine sous le contrôle d'un conducteur chevronné (et même médaillé d'or de la Prévention routière), et qu'on fera toute confiance à l'auto-école qui dispense une heure de cours par semaine, le samedi matin, à une personne qui devra se contenter de cette heure hebdomadaire sans pouvoir s'entraîner à d'autres occasions. On imagine volontiers ce style de pédagogie étendu à d'autres domaines. Mon professeur de piano, ou mon entraineur de foot, par exemple, pourrait l'un m'interdire de toucher à un clavier pendant la semaine entre deux cours, ou l'autre de faire le moindre exercice physique entre deux séances d'entrainement sous sa direction. On imagine la rapidité des progrès.

 

Pas de concurrence déloyale, c'est à dire que la concurrence ne peut s'exercer qu'entre ceux qui sont habilités à se faire concurrence, ayant reçu cette autorisation des autorités de l'État, ces "concurrents" étant protégés a priori de l'entrée de tout nouvel acteur, sans qu'il soit question de s'interroger sur la réalité de cette concurrence (produit, circuit de distribution, prix...) en dehors du fait qu'ils paraissent offrir la même chose au public.

 

La nouvelle réglementation qui entrave encore un peu plus tout enseignement de la conduite qui n'aurait pas lieu en auto-école ne semble donc n'avoir d'autre but que de réserver le marché à ceux qui ont su trouver, au plus haut niveau des hiérarchies ministérielles, des oreilles compréhensives et bienveillantes. On pourra toujours, ensuite, venir pleurnicher sur le fait que beaucoup de jeunes préfèrent prendre le risque de la conduite sans permis, d'autant plus que, comme les risques de contrôle sont relativement faibles (eu égard au nombre de kilomètres parcourus), et que la Justice se montre parfois plus ouverte et plus intelligente que les fabricants de règlements, le jeu en vaut peut-être la chandelle.

 

De toutes façons, tout le monde tombera d'accord facilement sur un point, et c'est bien cela le pire. Ce n'est pas à l'auto-école qu'il faut aller pour apprendre à conduire, puisqu'on y apprend juste à passer le permis.

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