J'ai reçu il y a peu un long commentaire d'un lecteur fort sagace, ce qui est un honneur et un plaisir pour celui qui s'est donné pour tâche de faire vivre ce blog, tout en alimentant un blog ami (pumpernickel.fr) et le blog de Régis Hulot.
Je reprends donc sans scrupule ce long et utile commentaire, en y insérant quelques remarques que je crois utiles. Mais, avant tout, autant dire que je crois que nous sommes, mon cemmentateur et moi, d'accord sur le fond.
Bonjour,
Alain, grand philosophe a écrit "La théorie c'est trés pratique"!
Face au cruel dilemme du tracteur à la ligne continue sur 12 km
[en réalité, c'était 2 km dans cette affaire, mais le nombre importe peu car il faut le comprendre comme "une très, trop, longue portion de route"]
j'aurai tendance à classifier plusieurs cas de figures en fonction du "contexte" pédagogique.
1° Cas
L'élève est en examen pratique. Au préalable, l'enseignant que je suis lui a fait part des consignes suivantes avant l'examen (vécu à plusieurs reprises en 35 ans d'exercice) Le jour de l'examen si ligne continue et tracteur: ne pas dépasser, il interdit franchir ou chevaucher ligne continue.
le rappel des principes est toujours utile, et je crois ne pas avoir dit le contraire
Sauf si tracteur avoir panneau danger "activé" signalant travaux, sur le toit; peut alors dépasser en sécurité sans gêner traffic venant de face et arrière. Contexte de travaux alors.
le tracteur n'est plus alors un véhicule qui va (pas vite) son chemin, mais un engin de chantier au travail. Sa nature change, le comportement
aussi.
J'ai expliqué à l'élève que" l'expert " assis à côté de lui peut lui demander d'éffectuer le dépassement malgré l'interdiction, toujours en gérant le traffic venant de face(arrière également, of course). Soit l'expert est compétent, il explique brièvement à l'élève examiné (pour le rassurer) que l'examen est neutralisé durant la réalisation de l'infraction.
Attention: nous ne sommes pas en infraction.
L'expert peut justifier par la suite des contraintes temporelles ou géographiques nécéssaires au bon déroulement de l'examen. Soit l'expert est incompétent et il exige le dépassement par le candidat sans autre forme d'explication! Exécution de l'ordre donné.
Si l'expert examinateur ne donne pas d'instructions, pas de dépassements. Si consécutivement à ce fait l'élève est ajourné, contester légitimement dans les formes
là, je dois avouer mon incompétence. Je ne sais pas ce que signifie "dans les formes", et je crois n'avoir jamais rencontré un expert [le terme sonne pourtant joliment] susceptible d'accepter une contestation. C'est d'ailleurs pour cette raison que tout enregistrement de l'examen est interdit par décret
cette décision! Il est impossible dans des conditions de circulation normale d'ajourner un candidat qui refuse de commettre une infraction au code de la route.
2°Cas
L'apprenant est en leçon (étape 2/3/4). C'est le début des ennuis et de la sombre cogitation. Partagés entre le devoir, la loi et le bon sens. C'est peut-être l'occasion si l'élève est proche de l'examen de développer la stratégie du cas présenté ci-dessus.
Si rester derrière le tracteur renforce une plus value pédagogique et permet de gérer une action ou une explication sur un autre thème, à mon avis je la prends et je fais l'escargot en rentabilisant ce moment! Opportunisme, quand tu nous tiens.
En fonction de l'environnement il est peut être possible de modifier son itinéraire, tourner à droite ou à gauche, faire un arrêt avec "vérifications" à la clef par exemple. C'est refuser le problème mais certaines contraintes peuvent nous y obliger.
Selon le degré de compréhension ou le niveau de son élève, peut-on le laisser ou inciter à commettre l'infraction?
Pour moi c'est non!
bravo. simple bon sens.
Mais toujours interpréter et analyser le contexte et ses interactions dans le cas du dépassement impossible(degré de temporalité?) du tracteur. L'évaluation de l'instant T est pimordiale et déterminante pour une décision de bon sens ou anti-pédagogique quoi qu'il arrive.
Dans notre activité d'enseignement nous devons laisser commettre à nos apprenants de nombreuses fautes (donc des infractions), elles doivent toujours avoir une finalité et une justification pédagogique et ne représenter aucun danger pour nous et pour les autres.
J'ai été ainsi amené plusieurs fois à répondre d'infractions commises en équipage pédagogique devant un tribunal de police ou de proximité. A chaque fois que j'ai pu justifier de la valeur pédagogique de l'infraction commise, le juge m'a relaxé. Il ne m'a pas donné pour autant un blanc seing m'exonérant de respecter la loi. Il faut que ce soit clair.
c'est en effet parfaitement clair. Et le commission d'infraction, comme la commission d'erreurs, est dans la nature de l'enseignement et de l'éducation.
"L'Homme progresse par ses erreurs" dit le sage, au volant comme ailleurs, à condition qu'elles soient expliquées, comprises, acceptées comme telles, et rejetées. La faute, le regret, la
réparation, et l'intention réelle de ne pas la commettre à nouveau.
Mais le dépassement impossible du tracteur n'est que temporaire, et de ce fait il est difficile de trouver un alibi pédagogique. Déjà que la valeur de l'exemple est malmené par les autres usagers dans ce cas là, devons nous rester cohérents? je pense.
Valeur de l'exemple, en effet. Tant d'élèves qui nous disent qu'ils se demandent pourquoi ils doivent faire ceci ou faire cela, puisque personne ne le fait. Et
comment justifier le non-port de la ceinture de sécurité par les policiers (les gendarmes sont bien plus rigoureux sur ce point) qui verbalisent ce manquement chez tous les autres. En ce sens,
l'attitude du nouveau chef de l'Etat dans ses déplacements routiers est un bon signe, et un encouragement pour nous.
3°cas
L'élève est en étape 1/2 (non consolidé).
Même si la décision et l'action du dépassement ne lui appartiennent pas, nous avons un élève actif et témoin malgré tout. Faut-il détruire cette fameuse valeur de "l'exemplarité" pour une futilité? Toujours éplucher le contexte et les pertes ou gains éventuels de cette manoeuvre interdite. Dans l'exercice de notre fonction nous devons avoir notre libre arbitre et surtout assumer la responsabilité de nos choix et de nos actes.
4° cas
Le PIRE (ou le meilleur?)! Je suis seul au volant ou au guidon de mon véhicule, sans identifiants "auto-école". Là, chers ami(e)s docteur JEKYLL et mister HYDE est peut être de retour! Le paradoxe de l'être humain va peut être se réveiller en nous!
Il y a trente cinq ans, je dépassais c'est sûr! Maintenant je nuance un peu plus! Mais cela m'arrive encore régulièrement. Moralité, je garde le panneau de "toit" comme ça je m'oblige à respecter la loi!!! C'est dur!
Attitude pleine de sagesse. Quand nous avons du mal à nous contraindre à faire plutôt le bien que le mal, une aide extérieure est toujours la bienvenue.
A moi aussi, il m'est arrivé, au temps de ma jeunesse, de prendre des libertés avec le code de la route. Aujourd'hui, je suis devenu plus sage. Si jeunesse
savait, si vieillesse pouvait!...
Merci de me faire part de vos commentaires et avis, je serai heureux de les partager.
Jean-étienne GIRAUD
Bonne journée, et bon courage à tous.