Objectif : 2 litres au cent.
Un événement, un fait divers, une déclaration chasse l'autre, et nous passons du coq à l'âne sans même nous en rendre compte. Et c'est peut-être pour cette raison qu'il est souvent utile de relire, quelques jours après, les journaux ou magazines dont on avait presque oublié le contenu.
Il y a une quinzaine de jours, M. Jean-Marc Ayrault, premier ministre, clôturait la Conférence environnementale des 14 et 15 septembre en appelant de ses vœux, d'ici 2022(sic), des voitures ne consommant que 2 litres de carburant pour 100 kilomètres parcourus.
AutoPlus, un magazine de très moyenne gamme que je lis parfois et que j'achète encore plus rarement, ne manque pas de relever ces propos qui sont loin, à ses yeux, d'avoir un rapport direct avec la réalité vécue par les automobilistes que nous sommes (presque) tous. Relevant qu'au fond, on n'est déjà pas très loin de cet objectif (3,2 l/100 pour la Renault Clio 4), il insiste sur le fait que ces mesures se font dans des conditions très éloignées de la réalité. La voiture la plus économique (selon les tests du journal – qui n'a aucun besoin, il faut le dire, de sa fâcher avec les constructeurs), se trouve être la Renault Twingo 1,5 dCi de 75 ch qui demande 5,2 litres pour 100 kilomètres, soit 62% de plus.
Le journal insiste sur le fait que les constructeurs français seraient tout à fait prêts à relever ce genre de défi technologique, l'obstacle n'étant au fond que dans la faiblesse des moyens dont ils disposeraient eux-mêmes : d'où l'appel à l'État, et à ses subventions pour les investissements de mise au point et l'aide à l'acquisition de modèles a priori chers, sous forme des primes diverses (bonus écologique ou autres).
Mais la voiture très économique (en carburant, s'entend) existe déjà, si on en croit ce journal. De la Volkswagen Lupo 3LTDI de 1999 (2,99l/100) à la Volvo V40 Plug-in Hybrid de 2012 (1,8l/100), de l'Opel Ampera/Chevrolet Volt (1,2l/100) à la future Volkswagen XL1 promise pour 1l/100, ce ne sont pas les modèles qui manquent, du moins sur le papier. Reste à savoir si les conducteurs sauront obtenir de telles performances à l'usage au quotidien.
Et on oublie, hélas (mais constructeurs traditionnels et pétroliers sont là pour cela), ceux qui tentent de trouver d'autres solutions, tant du côté des moteurs que du côté des formes d'usage de l'automobile, qui n'est pas condamnée à rester un objet d’appropriation individuelle. On pense à ceux qui veulent "retourner" le principe du moteur thermique qui gaspille sous forme de chaleur les deux tiers de l'énergie qu'il embarque pour se mouvoir, ou à la firme MDI avec son Airpod, ou à d'autres constructeurs dont on peut croire qu'ils sont les éclaireurs de l'avenir.
Malgré tout, on ne peut s'empêcher de penser que les propos volontaristes du premier ministre font peu de cas de la réalité des choses, et qu'il ne prend pas beaucoup de risques à évoquer un avenir (lointain) en s'appuyant sur la certitude (partagée) du progrès technique devant un public notoirement mal informé, voire désinformé. Il aurait été mieux inspiré en prenant une fois pour toutes des responsabilités qui lui sont dévolues, en traçant les lignes d'une transition d'une société gaspilleuse de stocks toujours plus faibles vers un monde à la fois soucieux des moyens disponibles, des droits de ses héritiers, des capacités à écrire un avenir un peu moins morose que le présent.
Mais de la part de celui qui s'entête à faire construire son hochet aéroportuaire, il ne faut pas s'attendre à autre chose. Hélas.