Sur ce forum où on peut discuter de l'épineux problème des moniteurs qu'on qualifie d'indépendants, je trouve les cordonnées d'une personne qui renvoie fort bien à son site (ce lien) et qui précise sa situation.
D'un point de vue strictement légal, je crois qu'il y a là une forme de détournement de procédure, mais ce n'est pas le sujet. La situation est la suivante, si j'ai bien saisi. Un moniteur diplômé, disposant de son autorisation d'enseigner (visite médicale), crée une structure juridique, une personne morale qui fait de lui un agent économique. Cette structure peut être celle toute récente d'auto-entrepreneur, mais pas obligatoirement. Pouvant établir des factures (hors TVA. Art.293B du Code général des impôts), il propose ses services à des auto-écoles pour venir renforcer temporairement leurs effectifs, remplacer une personne momentanément empêchée, assurer une prestation d'enseignement. Il précise également qu'il ne s'adresse qu'aux auto-écoles, et pas aux particuliers, donc dans le strict cadre de la réglementation en vigueur.
En revanche, il ne nous dit pas s'il est déjà salarié d'une auto-école, ou s'il est aussi exploitant, et si cette activité lui sert à rentabiliser un véhicule qui roule trop peu... On ne sait non plus rien de la manière dont il a résolu le problème de l'assurance obligatoire.
Souplesse, réactivité, rapidité d'intervention, les arguments ne manquent pas pour soutenir une telle initiative.
Ce qui me fait pourtant craindre le pire dans cette initiative tient en quelques mots: “ pas de formalités d'embauche ”. C'est bien là que le bât blesse, car cela ouvre la porte à la réalisation d'un des fantasmes d'un grand capitaine d'industrie français qui déclarait, il y a quelques années, rêver “ de l'entreprise sans usines, et de l'usine sans salariés ”.
En effet, cette situation ouvre toute grande la porte à l'externalisation de la force de travail, à la transformation du statut de salariés (tout de même un peu protecteur et entrainant des responsabilités pour l'employeur) en statut d'entrepreneur soumis à la concurrence, cette concurrence qui ne ferait que se transposer des auto-écoles (donneurs d'ordre) vers les enseignants (leurs prestataires de services).
De plus, ne s'adressant qu'aux professionnel, le moniteur en question ne remet nullement en cause le système actuel où l'élève est lié à son auto-école dans la mesure où il représente pour elle, encore plus qu'un client (qu'on espère le plus fidèle et le plus solvable possible), une place d'examen, cette denrée plus rare et plus précieuse que tout. Je n'exagère pas, car quelle est la revendication première des auto-écoles? Plus d'inspecteurs pour plus de places, ou plus de places grâce à plus d'inspecteurs, ce qui permet de satisfaire les désirs des élèves de “ tenter leur chance ” tout en se garantissant des heures de conduite à facturer.
Notre action, notre combat si j'ose dire, ne va pas dans ce sens, même si nous considérons qu'on peut aussi préférer le statut d'intérimaire à toute autre situation.
Pour ce qui nous concerne, la priorité est de rendre leur liberté aux élèves, de faire disparaître ce principe, que rein ne justifie, au terme duquel seules des auto-écoles agréées sont en mesure de dispenser un enseignement convenable. Nous avons tous vu ces “ salles de code ” bondées, sans aération, avec le projecteur qui tourne en permanence; nous avons tous vu ces leçons “ calibrées ” pour que l'élève, après vingt à vingt-cinq heures de conduite où on a suivi un rythme plutôt lent, mis devant des situations difficiles se trouve tout à coup complètement débordé et comprenne qu'il lui faudra encore beaucoup d'heures; nous connaissons tous ces leçons qui ne sont en fait que des promenades d'où les élèves sortent en se demandant si ils ont appris quelque chose.
Et tout cela sans possibilité d'aller voir ailleurs ciment les choses se passent.
Avec un moniteur indépendant, on peut prendre une ou deux heures de leçon, on peut poursuivre une formation plus longue, on peut faire, à la demande, un “ examen blanc ”, on peut arrêter sa formation, la reprendre, changer... On n'est lié à rien ni à personne, puisque ce n'est pas le vendeur qui détient la clef, celle qui donne le droit d'aller passer son permis. Car qui dit moniteur indépendant dit “ candidat libre ” (les candidats des auto-écoles ne sont donc pas libres?), avec une autre prise de responsabilité de la part des élèves qui ne peut pas nuire à leur cursus de formation.
Bon courage.