Je voudrais, à la suite du commentaire que nous adresse Roberto, revenir sur cette affaire de statut d'auto-entrepreneur.
Succinctement, le statut
d'auto-entrepreneur a été créé pour permettre à un certain nombre de gens de démarrer une activité industrielle ou commerciale avec un minimum de contraintes, donc d'expérimenter avant
de passer au statut de droit commun (SA, SAS, SARL, EURL, etc.). Il doit aussi, toujours selon ses promoteurs, permettre à des gens qui cherchent un complément de revenus (en un mot, les salariés
mal payés ou sous-employés pour leur grande majorité, ou les “ jeunes retraités ” éjectés prématurément du monde du travail, sans parler des chômeurs pas si souvent indemnisés) de
réaliser un certain nombre d'opérations rémunérées et légales. Accessoirement, ce statut est (ou devrait être) un moyen de lutter contre le travail au noir (en français, travail dissimulé) qui
prive l'État, la Sécurité sociale, les caisses de retraites de revenus dont ils ont ont, aujourd'hui, plus que besoin.
Un moniteur d'auto-école, qui gagnerait environ €1000 par mois et qui voudrait “ gagner plus en travaillant plus ”, pourrait ainsi avoir le choix entre
essayer de faire des heures supplémentaires (c'est son patron qui décide), ou devenir auto-entrepreneur pour sous-traiter des heures de travail dans une auto-école (autorisé), ou donner des
leçons de conduite à des particuliers (interdit). Évidemment, pour gagner plus tout en travaillant autant, il reste la solution de l'augmentation du salaire mensuel, mais là, on est dans le
domaine des pures spéculations...
Roberto souligne fort à propos l'hostilité des syndicats à ce nouveau statut qui a, à leurs yeux, le tort de réduire encore le champ du salariat, donc des
conventions collectives, donc de la solidarité entre “ travailleurs ” - que j'oppose ici aux “ employeurs ” pour simplifier mon discours (il y a des employeurs qui
travaillent, on le sait, tout comme il y des poissons-volants, mais qui ne sont pas, le rappelait Audiard, la majorité du genre). Les syndicats voient aussi d'un assez mauvais œil détricoter,
comme on dit, chaque jour un peu plus le Code du travail qui a certes bien des défauts mais reste le dernier rempart qui protège encore un peu ceux qui n'ont que leur force de travail à
vendre.
On se demande s'ils n'ont pas raison. Peut-être mes lecteurs ont-ils suivi les péripéties de ces sans-papiers grévistes qui réclament et leur régularisation comme
salariés, et leur régularisation comme résidents en France. L'un d'eux racontait devant les caméras de télévision l'autre jour que le patron du restaurant où il travaillait avait demandé à ses
employés de démissionner (ceux-là avaient un contrat de travail) contre la promesse d'un contrat de prestation de services s'ils devenaient auto-entrepreneurs. Si un employeur tient un tel
discours, c'est assurément qu'il y trouve son compte. Et il est rare que coïncident les intérêts du salarié et de l'employeur.
Par ailleurs, comme il existe encore un Code du travail, et qu'il existe encore des juges (prudhommaux, en particulier, mais pas seulement eux) décidés à
l'appliquer, le risque est grand (pour l'employeur comme pour le salarié) de voir requalifier en simple CDI une série de contrats de sous-traitance passés entre un auto-entrepreneur et un donneur
d'ordre.
Revenons à notre problème. Il n'est pas question ici de donner des leçons à qui que ce soit. Il n'est pas question de condamner les pratiques de tel ou tel, sauf
quand elles sont illégales.
Mais il faut absolument attirer l'attention de tous sur le fait que l'indépendance que nous revendiquons ne doit pas se retourner contre nous, et que nous ne devons
pas réaliser, aux dépens de tous les actuels et futurs moniteurs (dont la formation sera d'ici peu plus longue, plus difficile, plus chère) ce vieux rêve exprimé par un “ grand patron ”
français il y a quelques années : l'entreprise sans usine, l'usine sans salariés.
N'oublions pas que, même si certains nourrissent une certaine rancœur vis à vis des auto-écoles en général, notre but n'est pas de les voir disparaître. Du moins
pas toutes, et surtout pas celles qui font un travail sérieux et à des conditions convenables. Nous avons seulement l'intention d'offrir une alternative à la formation initiale, mais aussi de
proposer enfin une formation continue à tous ceux qui en ont besoin, qui le demandent, mais qui n'intéressent pas des auto-écoles incapables financièrement et pédagogiquement de répondre à une
telle demande.
Bon courage à tous.