Changer les vitesses, passer les vitesses...
Plus sûrement changer de rapport, c'est à dire changer le rapport de démultiplication entre la vitesse de rotation du moteur et la vitesse de rotation des roues (évidemment, cela fait l'objet d'un cours en salle, ce que j'ai fait quand on m'en a laissé le loisir... en rappelant qu'Archimède, il y a plus de deux millénaires, réclamait un point d'appui pour soulever le monde.
En effet, il savait qu'il existe, pour transmettre une force, une relation entre la longueur du levier en-deçà du point d'appui (côté travailleur – Archimède lui-même), et la longueur du levier au-delà du même point d'appui (côté objet à soulever – le monde...). En un mot, il savait qu'existe une relation entre force et déplacement, et que plus le déplacement est faible, plus la force est importante, et vice versa.
C'est sur ce principe qu'est construite toute l'hydraulique, et il en est de même pour les engrenages. Grand plateau devant, petite couronne derrière, beaucoup de déplacement mais peu de force, petit plateau devant, grande couronne derrière, peu de déplacement, mais beaucoup de force et possibilité de grimper aux arbres (en VTT le dimanche après-midi).
Je reviens à mes moutons, car j'ai lu qu'on avait enseigné à quelqu'un que, pour passer les vitesses, on prenait le levier et on le déplaçait dans la bonne direction, enfin, bref, on faisait quelque chose, mais ce n'est pas possible de ne pas y arriver, depuis le temps que j'explique, c'est pourtant simple, et ça ne m'a jamais posé de problème...
Reprenons. Pour changer de rapport, on doit savoir d'abord qu'il n'y a à peu près aucun effort à faire, et que, dans un certain nombre de cas, un conducteur un peu expérimenté n'aurait même pas besoin d'appuyer sue la pédale d'embrayage... Je m'égare, je vais trop loin, ou trop vite.
Pas d'effort, juste le bon geste.
Main ouverte, doigts joints, paume vers la gauche (on va casser la planchette, comme les moines guerriers), on tire le levier vers la gauche, vers soi, puis on le pousse vers l'avant. Première.
Main ouverte, doigts joints (on admet en léger crochet), paume vers la gauche, on tire le levier vers l'arrière, dans l'axe longitudinal, en le maintenant bien vers la gauche. Deuxième.
Premier temps. Poing fermé, on pousse le levier vers l'avant avec le dessus du poing, et on le voit (le sent – regarde la route!) se décaler tout seul dans sa position de repos. Second temps. Alors on le pousse, le poing toujours fermé vers l'avant où il va tout seul. Troisième.
Avec un ou deux doigts (index et majeur, comme la Main de Justice des rois de France)), les autres doigts repliés, on tire le levier vers sa position de repos, puis on le tire encore vers son verrouillage suivant. Quatrième.
Poing fermé, on pousse le levier vers l'avant, il revient à nouveau vers sa positon de repos, puis on ouvre la main, on fait une légère torsion du poignet vers la gauche pour avoir le pommeau dans la paume tournée vers la droite. On pousse à droite, puis vers l'avant. Cinquième.
Pas de Sixième vitesse, qui ne sert au fond à rien, sauf à flatter ceux qui se prennent pour des pilotes. Au fond, ils m'intéressent assez peu.
Exercice à faire à l'arrêt, des dizaines de fois, sur commande. Le moniteur annonce 1, 4, 3, 2, 3, 4, 5, 3, 2, 4, et à chaque fois (évidemment, débrayage et embrayage à chaque fois) en vérifiant deux choses: la précision du geste, mais surtout sa bonne décomposition et son exécution à la fois souple et relativement lente.
Seul un exercice travaillé lentement pourra ensuite être exécuté rapidement sans faute. Ceux qui disent le contraire sont des rêveurs ou des pédagogues de troisième zone.
Ces exercices seront confirmés en roulant. L'élève n'aura que la pédale de gauche, qu'il devra manœuvrer seul (si on a passé un peu de temps à le lui enseigner préalablement), l'enseignant commandera accélérateur et frein pour amener la voiture aux allures convenables (idem pour le moteur) et permettre l'usage de la boite, y compris les passages 4-2, 5-3, ou 3-5, bref, tout ce qui permet un usage intelligent et non dogmatique de la boite d'engrenages (Gear Box disent les Anglais), la boite de vitesses.
J'ajoute que cet apprentissage se fait sur plusieurs leçons, et rentre dans le cadre de l'enseignement des éléments de base. Pendant tout ce temps, l'élève ne touche pas aux pédales, il ne “ conduit ” pas, il a apprend à se conduire, il n'a au fond aucune autonomie et n'est pas invité à prendre des initiatives. C'est frustrant pour lui, c'est vrai, car il devra attendre peut-être six ou sept heures pour faire du “ démarrer-s'arrêter ”, mais alors il le fera en connaissance de cause, sachant ce qui se passe, comprenant pourquoi il réussit ou échoue.
Je suis loin du livret d'apprentissage, c'est vrai, mais j'ai surtout voulu former des automobilistes, pas des robots tout justes capables de passer un examen et d'aller se tuer le lendemain au volant de la voiture des parents. Ceci n'est pas une anecdote, hélas.
Bon courage à tous.