Il est curieux de constater les difficultés que peuvent avoir nos élèves quand il s'agit de choisir quel type d'éclairage convient à tel type de situation.
Pourquoi ne pas tenter ici un bref rappel, sous le contrôle des lecteurs qui peuvent évidemment commenter ces lignes, apporter des précisions, demander des rectifications... ou se référer à la
documentation officielle comme ce
dépliant. Et si ce texte vous plait, utilisez-le pour un cours pour lequel il vous faut un tableau noir et une voiture pour montrer in vivo ce que sont les choses dont vous
parlez.
De jour, pas de feux.
Du moins, pas de feux jusqu'à maintenant, puisque dès 2011 seront obligatoires les feux diurnes, appelés DRL pour Daytime Running Lights tant il est vrai que l'emploi de l'anglais fait
"moderne", "jeune" et "technique". Ces DRL, qui s'allumeront dès que le contact aura été mis, permettront d'être mieux vu des autres véhicules.
Cependant, il ne faut pas oublier que depuis de nombreuses années un grand nombre d'automobilistes allumaient leurs feux de croisement en plein jour, suivant en cela l'exemple des pays
anglo-saxons ou surtout nordiques qui avaient compris, bien avant nous, l'utilité d'être mieux vu des autres usagers. Au grand dam des motards (le plus souvent en colère, comme encore montré il y
a quelques semaines) qui, contraints de rouler avec leur feu de croisement allumé de jour, ne supportent pas d'être confondus avec les automobilistes, et ravalés par là au rang se simples usagers
de la voie publique. Parmi les opposants, il ne faudrait pas oublier ceux qui insistaient sur le fait que, au nord de l'Europe, la durée d'ensoleillement était plus courte qu'au sud – vérité
frappée au coin de la science la plus exacte.
Cet usage fut, à l'occasion, réprimé par les forces de l'ordre sur la base de principes divers ou d'interprétations variées du Code de la route (“Tout ce qui n'est pas strictement interdit est par conséquent obligatoire, et vice-versa”). Il faut bien qu'autorité s'exprime.
Pour ce qui est du refus de certains bons, mais hélas d'outre frontières, usages, on citera aussi la verbalisation des premiers automobilistes à avoir équipé leur
véhicule de feux de brouillard arrière, aujourd'hui obligatoires, mais qui, à l'époque où cette obligation n'existait pas encore, étaient considérés comme dangereux car éblouissants. On peut
éventuellement se rappeler aussi de quelle façon avait été combattue la possibilité d'autoriser les phares blancs sur les véhicules français, les opposants annonçant des hécatombes routières...
qu'on attend encore, si on peut dire.
La nuit, des feux. Mais lesquels?
En ville (avec éclairage urbain), par exemple, on allume ses feux de position qui auront pour particularité (dès 2011) de paraître sensiblement moins
puissants que les feux de jour du fait de la généralisation des DEL (diodes électroluminescentes) pour ces derniers. On se doit d'imaginer que là, rien ne changera, et que longtemps on continuera
à parler de ces feux de position qui, dans un environnement de plus en plus éclairé, ne sont pas d'un très grand secours. Effet du conservatisme, on n'a pas osé, à l'époque où on a autorisé
(autorisé seulement) l'usage des feux de croisement, supprimer l'usage des feux de position. Donc, on utilise aussi désormais, toujours en ville (avec éclairage urbain), les feux de croisement,
ceux qui sont le meilleur compromis possible entre beaucoup de lumière et peu d'éblouissement pour les autres usagers.
Évidemment, je préconise l'usage de ces feux de croisement. Pour une raison bien simple: dans une file de voitures qui roulent en feux de croisement, si se glisse
un véhicule en feux de position, il n'est pratiquement pas visible. Ce sont le plus souvent les piétons ou les cyclistes qui sont victimes de cette pratique qui, si elle reste légale (hélas), est
réellement dangereuse.
D'ailleurs, en ville (pardon, en agglomération, pour parler comme le Code), s'il n'y a pas d'éclairage urbain, c'est l'usage des feux de croisement qui est préconisé. Pour une fois, on peut
considérer que c'est le bon sens qui parle: milieu non éclairé, vitesse limitée à 50 km/h (env. 14 m/s), feux qui éclairent à au moins 30 mètres devant le véhicule, soit la distance parcourue en
deux secondes, c'est à dire le temps de réaction. Au moins, on peut espérer que le pied aura eu le temps de venir se poser (avec vigueur) sur le frein quand on arrivera au niveau de
l'obstacle.
Hors agglomération, on peut utiliser ses feux de route puisque nos routes et la plus grande partie de nos autoroutes ne sont pas éclairées (sauf sur quelques kilomètres avant le frontière belge).
C'est cet éclairage (portée d'au moins 100 mètres) qui assure la plus longue portée, correspondant à une vitesse plus élevée. A 90 km/h (25 m/s), on éclaire ainsi sa route sur 4 secondes, mais
sur un peu moins de 3 secondes sur autoroute à 130 km/h (36 m/s). Cette perte sensible peut être considérée comme acceptable sur une voie à sens unique très protégée aux intersections (entrées et
sorties).
Cependant, si la voie hors agglomération est éclairée (rare exception rappelée plus haut), le Code préconise l'emploi des feux de croisement. On reste dans une certaine logique: ce sont les
routes et autoroutes "urbaines" ou "quasi urbaines" qui valent, par leur trafic, la dépense d'un éclairage public, et leur fréquentation justifie bien l'interdiction de feux particulièrement
éblouissants.
Après ces principes généraux, venons-en aux exceptions, à ce qui paraît en être.
Si le véhicule possède d'autres types de feux, quand peut-on (ou doit-on) les utiliser.
A l'avant, les feux dits anti-brouillard que le code appelle feux de brouillard avant. Ni l'une ni l'autre des appellations n'est particulièrement élégante, mais on n'a pas cherché à trouver
mieux jusqu'ici.
Les feux de brouillard avant s'utilisent quand il y a du brouillard (eh! oui), avec les feux de croisement ou avec les feux de position. Selon les véhicules, les deux solutions sont possibles ou
pas. Ces feux, dont le faisceau est plat et étalé en largeur, permettent de mieux (mais pas de "bien") voir dans le brouillard, mieux que les feux de croisement (qu'on utilise à défaut de ces
feux anti-brouillard), beaucoup mieux que les feux de route qui produisent un effet de "mur de lumière" qui aveugle le conducteur.
Ces feux de brouillard avant sont également utilisables dans une autre circonstance, relativement folklorique sinon dans sa réalité du moins dans son évocation par le Code. Il s'agit des routes
joliment qualifiées de “étroites et sinueuses”. Qu'est-ce qu'une route “étroite et sinueuse”, comment la reconnaît-on? A vrai dire c'est une question d'appréciation personnelle, car ce qui
paraîtra sinueux à un habitant de l'Eure-et-Loir le sera beaucoup moins aux yeux d'un Savoyard, et ce qui sera étroit pour un Altoséquanais (un habitant des Hauts-de Seine) le sera beaucoup moins
pour un habitant de l'arrière pays Niçois (un habitant de Nice, mais là vous aviez deviné). Heureusement, il arrive que certaines routes soient désignées comme telles, ce qui permettra d'allumer,
de nuit bien sûr, cet équipement relativement peu utilisé, les feux de brouillard avant.
Toujours à l'avant du véhicule, on peut disposer de feux dits à longue portée. Ces projecteurs ont un faisceau très fin, et très long, et permettent d'éclairer la route très loin (très longtemps, au fond, si on considère le mouvement du véhicule) devant le conducteur, souvent près de 250 mètres ou près de 7 secondes à 130 km/h. Revers de la médaille, ces feux ont un faisceau très étroit et ont pour effet de réduire de facto le champ visuel, et d'être de plus très éblouissants pour les autres usagers, même de loin. C'est pourquoi leur usage doit se faire en considération de ce risque, puisque l'éblouissement c'est aussi l'aveuglement, à tous les sens du terme...
Autre situation particulière, celle des phases de conduite où on peut passer de la lumière à l'obscurité, c'est à dire le passage dans des tunnels.
Si, en règle générale, les tunnels peuvent être rares, ils sont monnaie courante dans certaines régions: autoroutes alpines, ou périphérique parisien. Dans un cas comme dans l'autre, l'œil doit faire une adaptation permanente, et rapide, aux nouvelles conditions de luminosité, cette adaptation étant certes aisée chez les enfants et les adolescents (qui ne conduisent pas encore), mais plus lente dès la maturité. Et les vitesses pratiquées sont telles que l'œil a toujours moins de temps que nécessaire pour s'adapter. Un homme de 40 ans (un vieillard!) qui roule à 75 km/h (21 m/s) peut avoir besoin de 2 secondes pour, passant du plein soleil au tunnel même abondamment illuminé, récupérer une vision (presque) parfaite. Durant cette phase de vision détériorée, le plus souvent inconsciente, il parcours plus de 40 mètres, bien plus que la distance qui le sépare des autres véhicules (devant, derrière, sur les côtés). Le risque est donc augmenté à cette occasion.
C'est pourquoi il faut, dès avant l'entrée des tunnels, allumer ses feux, pour ne pas le faire trop tard, après l'entrée dans la pénombre du tunnel. Il est bien dommage que cette injonction, écrite en toutes lettres sur un panneau rond à fond bleu (Allumez vos feux), ne soit pas plus précise ni plus explicite. Mais on paie ici le prix de la lourdeur, de la difficulté à réagir des bureaucraties qui se fondent sur l'éternel principe de A. Th. Bloomberg et Nicola Tenescu (dans Méthodologie différentielle comparée des organisations concurrentielles, ©Faillard pour la traduction française, Paris, 1923) qui énonce que “moins on innove, plus on dure”, ou encore que “l'espérance de vie d'une organisation est inversement proportionnelle à sa créativité”.
Et je saisis l'occasion pour dire que je suis modérément convaincu par les systèmes d'allumage automatique des feux qui commencent à se généraliser sur les véhicules neufs: ces systèmes réagissent à une situation, et n'agissent pas par anticipation, donc ne me semblent pas conforme à ce qu'on doit attendre d'un conducteur, c'est à dire la propension à prévoir, à se projeter dans l'avenir immédiat, et non à être le jouet des événements.
Mais, de feux, il n'y en a pas que devant. Et ceux qui sont à l'arrière du véhicule ont aussi leur importance.
Ce qui s'allume à l'arrière quand on tourne (ou appuie sur) le bouton ne s'appelle pas feux de position mais feux rouges comme leur couleur. Dans la plupart des cas, ils sont équipés de lampes à incandescence d'une puissance de 5 watts, soit environ 10% de la puissance des feux de croisement ou des feux de route. Suffisants en marche dite normale, ils sont tellement peu efficaces que, à l'instar des pays qui connaissent des conditions météorologiques moins favorables que nous, un équipement supplémentaire a été ajouté, le(s) feu(x) arrière de brouillard, équipé(s) d'une ampoule dont la puissance est la même que celle des feux stop visibles même en plein jour. Ces feux de brouillard (un seul à gauche est obligatoire), vont souvent par deux. Dommage qu'à vouloir trop en faire on ne serve pas bien sa cause. Deux feux de brouillard, si ils sont regroupés avec les autres feus arrière, se confondent avec les feux stop, ce qui peut induire des comportements inappropriés de la part des autres conducteurs. Affaire d'appréciation personnelle, peut-être.
Et il y a aussi, à l'arrière, les indicateurs de direction (les clignotants dans le langage courant), et les feux stop.
Sur ce derniers, un mot avant de terminer. On entend souvent dire que, pour signaler aux véhicules qui vous suivent son propre ralentissement, il est adéquat d'exercer plusieurs légères pressions sur la pédale de frein afin d'allumer par intermittence les feux stop. Généreuse initiative. Cependant, cette manœuvre qui a lieu dans les cas où les vitesses paraissent élévées, les distances entre véhicules paraissent réduites, et les ralentissements paraissent importants, cette bonne idée est un bon exemple de ce qui peut se faire de pire. D'abord parce que ce “par intermittence” représente du temps (une, deux secondes?) et que le temps, en voiture, c'est de la distance (25 m/s, soit la longueur de cinq voitures, à 90 km/h), et que nul ne sait avec quel appui on allume ou on allume pas les feux stop... S'il faut ralentir, fermement, sur une courte distance, alors qu'on est suivi de près, il y a bien d'autres choses à faire, et de bien plus utiles.
J'en oublie un: le feux de recul. Il faut dire qu'il n'y en avait pas sur ma 2CV.